Le bâton et la cordelette
Quand on plante les bâtons et qu'on tend la cordelette dans le jardin, ça sent bon les souvenirs d'enfance. Quand pépé y passait des heures à évaluer la tranche des carottes, celle des tomates ou encore la place des salades. Quand il regardait son jardin avec fierté et qu'il décidait la place de chaque chose. Quand il disposait les lattes de bois qui permettaient de circuler entre les légumes sans les abîmer. Quand il le surveillait du coin de l'oeil de peur qu'un des enfants n'aille s'y aventurer pour piquer une tomate ou pour faire le zouave et écraser les feuilles fragiles des haricots ou des laitues. Quand il pleuvait sur la terre sèche et que d'un coup, une odeur de chaud remontait dans nos narines. Quand on pouvait jouer à arroser avec l'arrosoir énorme en fer qui nous abîmait les jambes quand on le transportait difficilement et qu'il crachait toute l'eau sur le chemin à force de secousses. Quand on surveillait les fraises de jour en jour pour espérer en croquer une toute chaude en fin de journée. Quand il semblait somnoler sur le banc, à l'ombre et qu'on pensait que le jardin nous appartenait pendant quelques minutes. Quand il relevait le chapeau et qu'il nous poursuivait en brandissant sa canne en nous promettant de nous corriger. Quand nos rires explosaient de malice car nous savions ses menaces vaines. Quand il était encore là...